Décès de Benoîte Groult, une vie au féminin pluriel
«Je ne suis née à moi-même que vers 35 ans», disait Benoîte Groult qui vient de décéder à Hyères à l'âge de 96 ans. Née le 31 janvier 1920 à Paris, la romancière, essayiste et militante féministe, auteur de best-sellers percutants (Ainsi soit-elle en 1975, vendus à un million d'exemplaires) ou La Touche étoile (2006), était venue à l'écriture à 40 ans, publiant d'abord avec sa sœur Flora, Journal à quatre mains avant d'entamer en solo, une brillante carrière littéraire jalonnée de combats pour l'émancipation des femmes.
Avant de publier trois livres au cours des années soixante, Flora et Benoîte Groult, les filles du styliste André Groult et de la dessinatrice de mode Nicole Poiret avait été élevées dans un univers parisien bourgeois bohème du 7e arrondissement.
Si les artistes se pressent à la table familiale, les deux jeunes filles suivent une éducation plutôt rangée. «J'étais timorée», jugera plus tard sévèrement l'intéressée en se remémorant la jeune femme sage qu'elle fut. À 24 ans, Benoîte Groult épouse Pierre Heuyer un étudiant en médecine qui meurt prématurément. Deux ans plus tard, elle rencontre l'homme de télévision Georges de Caunes avec lequel elle aura deux filles, mais dont elle divorcera. Cette union vécue comme échec fut suivie d'un troisième mariage, réussi celui-ci, avec l'écrivain Paul Guimard qui l'encourage à se libérer par l'écriture et lui donne une troisième fille.
Longtemps ainsi, Benoîte Groult n'a pas su qu'elle était féministe. La révélation vient en 1975 avec Ainsi soit-elle, l'essai qu'elle dédie à Olympe de Gouges. «C'est le moment de l'écrire» l'avait encouragé Paul Guimard. Le Deuxième Sexe deSimone de Beauvoir avait déjà 25 ans, Benoîte Groult lui emboîta le pas avec conviction. Son essai traitait de la condition féminine à travers les âges et les continents, «un gant de crin», résumera la journaliste Françoise Giroud.
Elle soutient la loi de Simone Veil sur l'avortement
Un an après la loi Veil, son succès impose Benoîte Groult comme l'une des femmes sur lesquelles il faut désormais compter. Elle s'engage dans le combat pour l'émancipation, défendant le divorce et l'avortement, mélangeant de manière savoureuse dans ses romans et récits, ses maris, ses amants, sa vision de l'amour qui s'inventait pour elle au quotidien et ses réflexions politiques.
En 1984, elle préside la commission politique pour la féminisation des noms de métier et entre à la fin de sa vie à l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, qui sera aussi son dernier combat. Elle avait traité cette question, en 2006, dans un récit, La Touche étoile (Grasset) qui évoquait plus largement la vieillesse et ses inconvénients, avec la causticité qui la caractérisait. Deux ans plus tard, elle se livrait, franche en entière, à sa manière coutumière, dans Mon Évasion son autobiographie.
Cette femme libre y écrivait: «Tant que je saurai où demeurer, tant que je serai accueillie en arrivant par le sourire de mes jardins, tant que j'éprouverai si fort le goût de revenir et non celui de fuir ; tant que la terre n'aura perdu aucune de ses couleurs, ni la mer de sa chère amertume, ni les hommes de leur étrangeté, ni l'écriture et la lecture de leurs attraits ; tant que mes enfants me ramèneront aux racines de l'amour, la mort ne pourra que se taire. Moi vivante, elle ne parviendra pas à m'atteindre.» Elle s'est éteinte à Hyères, sur les bords de cette Méditerranée qu'elle adorait.
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